Je suis de celles qui détestent la routine. Je l’ai troquée contre la route. Que je sois dessus ou que je sois dans une phase sédentaire, c’est un état d’esprit. Celui des commencements perpétuels. Ma façon de ne pas me faire avoir par la tiède chaleur de l’habitude des habitudes.
Et donc, l’esprit de débutant.
Le garder, quoi qu’il arrive.
N’étant pas trekkeuse ni randonneuse pour deux sous (ah tout le business associé à ça), je suis partie un jour comme ça, à pied.
La route m’a amenée là, dans ce lieu dit des Météores. Au pied de ces immenses pitons rocheux où sont perchés des ermitages bien rudes comme j’aime.
Et j’ai commencé l’ascension, comme ça, par un tout petit chemin enneigé avec une sorte d’escalier en-dessous. Une corde pendait tout le long, avec un panier, carrément.
En arrivant en haut, à plus de 500m en verticale directe, je me suis enroulée les jambes dans un châle que j’emmène partout parce que les femmes doivent être en jupe. Là, un pur pope barbu hilare et puant m’attendait avec des biscuits et un verre d’ouzo à tuer un cheval.
Bon, je suis tombée dans les pommes direct.
Je me suis réveillée peu après bien au chaud près d’un bon feu, sans chaussures ni chaussettes qu’il avait gentiment mises à sécher.
On a parlé comme ça, un peu en grec, un peu en anglais de tourisme.
Et puis je suis repartie, je voulais voir les autres monastères.
Et là, j’ai vu qu’il y avait une route super facile pour les cars que j’aurais pu prendre.
Sauf que.
Sauf que c’est pas le même souvenir.
Un même lieu, deux chemins. Un amour de la souffrance ? Du tout. Juste le goût de la dégustation de l’effort, sa saveur, cette toute petite mini-conquête de rien du tout qui n’a de sens que pour soi, et ce corps à corps avec les éléments, hmmmm.
En voyant ma tête, le pope a bien rigolé puis il m’a dit : "Ce que tu cherches, tu l’as déjà trouvé. Ne le perds pas."
C’est un pope. La sagesse c’est son truc.
Je l’ai souvent perdu.
Mais je l’ai toujours retrouvé.