1998. Je ne vois pas pourquoi rester dans des emplois souvent superficiels alors qu’il y a tellement de souffrances en ce monde.
Qu’est-ce que je peux faire ?
Qu’est-ce que j’aime faire ?
1999. Écrire.
Alors j’écris une douzaine de livres.
2007. Je ne vois pas pourquoi continuer à écrire puisque je ne peux pas en vivre et qu’il y a tellement de souffrances en ce monde.
A quoi sert l’art ?
A quoi sert la littérature ?
Est-ce que je pourrais être plus utile ?
Alors, avec une autre personne, je créé une association pour l’éducation à l’environnement, puis Lytefire, et nous sommes rapidement rejoints par 4 amis pour avancer ensemble.
Pendant toutes ces années, je publie quelques livres, j’écris un tout petit mini peu.
2022. Compte tenu des difficultés, je ne vois plus pourquoi je continuerai à faire quelque chose de si utile et de si beau que Lytefire alors qu’il y a toujours tellement de souffrances en ce monde et que tout semble vain.
Si ni créer, ni se mettre au service, ni aimer tout cela et plus encore, ne change rien, alors quoi ? A quoi ça sert ?
Un ami m’avait dit un jour : "le yoga, moins tu as de temps pour en faire, plus c’est le moment d’en faire."
2024. J’essaie de ne pas trop penser. De laisser l’envie me rejoindre. Je continue à travailler mais la déprimante question du sens marche à mes côtés toute la journée. Au plus j’avance, au plus je m’élime et rien ne vient.
2025. Récemment, j’ai eu la chance de pouvoir vivre un de ces terribles ralentissements auxquels les petites entreprises sont régulièrement soumises. J’ai pu rester avec "à quoi ça sert ?" assez longtemps, tranquillement.
En regardant de plus près, j’ai vu qu’un début de réponse ne peut se trouver dans une société qui ne soutient réellement ni les artistes, ni les enfants, ni les jardiniers, ni les rêveurs, ni les nomades, ni les solidaires. Je ne parle pas de subventions ni de campagnes de publicités. Je parle de l’importance vitale donnée à certaines choses qui devraient vibrer fort dans la vie des citoyens et des citoyennes.
A l’intérieur de ce modèle social qui est le mien, tout ce que je fais ne sert à rien, et ça créé de la douleur.
Mais si je sors de ce modèle social et que je fais tout ce que je peux faire pour vivre mes valeurs, alors soudain mon travail incarne la possibilité d’un autre modèle social, plus apaisé.
Et il sert à ceux et celles qui trouvent dans un de mes livres ou dans un four solaire un petit allègement de leur fardeau.
Pas plus, mais pas moins non plus.
Mon besoin impérieux de vivre l’artistique et le social a forgé le sens de ma vie depuis très longtemps. Et si vivre mes valeurs dans ces actions n’était pas vital d’une certaine façon, je ne le ferais pas ; moi aussi je resterais sur mon canapé à étouffer mon enthousiasme et ma joie en regardant le Fix.
On a bien trop longtemps opposé art et engagement de terrain. Maintenant, il faut réconcilier cela aussi.
Et je vous recommande cette excellente intervention de Amie, une grande amie de la vie.