Alors on s’bloque (soundtrack Stromae).
On proteste.
On essaie de se faire entendre de Goliath pour lui dire "pas contents, pas contents" sachant bien qu’il est sourd.
Sinon, on désobéit peu, on réorganise nos vies frileuses, on pétoche. Ou alors on s’engage sur le front qu’on peut tandis que la somme de tous nos cœurs semble n’être jamais assez.
On vit comme ça en Europe une paix de funambules, entre conscience et inconscience.
Perso j’ai engagé ma vie dans la solidarité, par mes livres et par les fours solaires en Afrique. Pour filer un coup de main au départ, pour soutenir quelques femmes. J’ai commencé blindée de certitudes et de doutes à parts égales. Aujourd’hui j’écoute, je tente de rester motivée, j’ignore qui a raison, tout le monde peut-être et on y va tout droit.
Il reste tant de terres et d’âmes à soigner, d’enfants à protéger, de zones à défendre. Il y a tant à faire. Tiens hier, j’ai vu cette petite fille-produit dans le caddy d’une maman surtendue.
Je pense à toutes les personnes qui chaque jour arrivent à changer une chose.
Et je suis soudain si vide que je ne veux parler que de littérature.
On présente des livres pour les vendre. Pas moi. C’est juste que je ne pense qu’à moi comme tout le monde. Je pratique le nombrilisme littéraire et parfois, il fait écho à celui d’autres lecteurs. Je m’en fiche que vous aimiez ou pas. Mais alors à un point. Ce qui me plaît c’est d’étaler mon émotion dans le silencieux néant et dans un monde parallèle de beauté qui semble furieusement détaler. Une lecture après l’autre. Comme des toutes petites flèches enflammées, belles, ridicules et dérisoires tirées contre l’ineptie, à peu près aussi importantes que les coups de carabine de Niki, tu vois ? Une espèce de tentative vaguement socialiste, un peu molle du ventre et bourgeoise évidemment, qui consiste ici à donner un avis atypique sur des créations rares, folles, importantes, uniques, inouïes hélas irrémédiablement transformées en produits. C’est l’espace que j’ai envie de préserver. Je crois encore un tout petit peu à l’action bienveillante et grosso modo chemin faisant dans la littérature, je construits quelque chose dont ceci fait partie. Voilà.