J’ai observé ma fille découvrir d’elle-même la gravité, tenant de ses petites mains la table basse, mes jambes, un coin de sofa. Fermement décidée à se lancer dans la verticalité. Effarouchée peut-être, ou peut-être pas. En tout cas souriante, heureuse et triomphante une fois debout.
Fragile et solide comme un arbuste.
Elle tremble un peu sur ses petits pieds bien en prise avec le sol, vacille, et accompagne en souplesse ses premières redescentes : bing, sur les fesses encore.
Puis se relève.
Ce mouvement si banal aux adultes devenus et pourtant tellement fort, enfance ou pas sous les yeux. Ce simple contact des pieds nus au sol chaque matin : joie du réveil. Caresse de la lumière blanche de l’hiver sur mes paupières pour débarbouiller de la nuit. Et tout le jour, en tout, la danse de la respiration, le serpent d’énergie de la colonne et les pieds nus.
"Dance Dance otherwhise We are Lost"
Les longues chevelures des danseuses dans des robes de femmes, bariolées, il me reste en tête l’énergie de ce soir.
Et l’obsédant frémissement d’Amagatsu dansant les branches d’un arbre dans une autre nuit de la salle du Théâtre de la Ville.
J’ai choisi un jour, il y a... tant de temps !, choisi de me vouer au papier plutôt qu’à la danse, de m’adresser aux cerveaux de ces humains que je comprends si mal en tentant de créer des livres-sensations. Jusqu’aux Enfants du siècle je n’y étais pas arrivée.
"Dance Dance otherwhise We are Lost" disait Pina Bausch.