C’est un temps de bilan pour moi.
Je n’arrête pas de me revoir dans ce café de la Bastille, totalement Parisienne d’adoption, venant de comprendre que la capitale ne disposait que de quelques jours de stock de nourriture et qu’en cas de pépin pour approvisionner les mini-markets, ben voilà.
C’était le point d’orgue de plusieurs années de questionnements et de recherches personnelles.
Moi, la fille d’émigrés, la franco-sicilienne si peu adaptée à Saint-Germain-des-Près. Moi qui me sentais redevable tout le temps, confrontée que j’étais à des codes sociaux que j’avais du mal à comprendre. Moi, la jeune doctorante, première de la famille à étudier si loin, je comprenais que ce futur projeté dans un confort artificiel n’était qu’une illusion.
J’ai regardé mes deux mains. J’ai pensé à celles de mes grands-parents dont aucun n’avait fait d’études. J’ai vu que je ne savais absolument rien faire avec, à part porter des sacs en plastique de courses venues de l’autre bout de l’Europe, et taper sur mon clavier.
Alors j’ai tout changé. J’avais 27 ans.
Je me suis mise à danser, beaucoup. A apprendre des langues et des instruments, à marcher seule et loin, à me saouler de toute la culture du monde pour rencontrer les Humains.
J’ai écris 12 livres. Des fictions pour imaginer un monde meilleur sans flipper et des poésies pour respirer.
J’ai quitté Paris pour la mer, puis la campagne, puis le grand froid.
J’ai appris à jardiner et j’ai fait 2 potagers.
Je suis devenue entrepreneure de l’impact avec Lytefire, et maman.
Aujourd’hui, dans ce moment de très grande transition pour moi, je regarde tout cela, toutes ces tâches auxquelles j’ai donné tant d’amour, de rêve, d’énergie et de persévérance, me découvrant bien plus solide que je ne l’imaginais.
Je perçois tout ça, ces accomplissements, et au-delà de tout, le souvenir qui me regarde droit dans les yeux c’est à Gardanne.
J’ai animé là pendant une petite année un atelier d’écriture pour des mourants. La Maison de Gardanne est une unité de soin palliatifs qui propose des ateliers artistiques comme ça, basés sur le bénévolat. Je n’avais pas peur, pas du tout. Et ces corps épuisés, brisés, parfois à peine audibles, rassemblés autour de la grande table m’ont donné un trésor.
Celui de la capacité de faire retour à l’essentiel sans autre but que d’être là.
Puis, étrangement, en même temps qu’il devenait possible de se connecter à n’importe qui et d’apprendre tout tout tout sur Internet, j’ai vu cette capacité se retirer au profit de multiples formes d’illusions.
Ces écrans censées nous libérer sont devenus des murs de solitude pour tant d’entre nous. Car là encore, on n’a pas les codes, on doit produire "du contenu", on se lie à des algorithmes discutables.
Comment revenir à soi ? Comment et où échanger quand on est si pris par le travail et le quotidien ? Comment satisfaire le besoin simple de partage à l’essentiel ?
En ce moment je ne pense qu’à ça. J’ai le début d’une idée mais je n’ai plus d’espace, j’ai atteins la limite de caractères de Linkedin.