Il existe au Japon une longue tradition de Trésors nationaux. En effet, le pays ayant su reconnaître la valeur de son artisanat considère que certains savoir-faire relèvent de la notion de "trésor". Des hommes et des femmes, maîtres dans leur pratique, sont ainsi régulièrement élevé-es à ce rang.
En France nous n’avons pas ça. Bien sûr, nous reconnaissons l’artisanat mais l’idée de trésor de nous traverse pas la coucourde. Et pourtant. Michel Bras est un trésor national, personne ne dira je pense le connaître et le voir travailler dans ce documentaire est une source d’inspiration fabuleuse.
Que vous aimiez ou pas la cuisine, le plateau de l’Aubrac, la cueillette ou les vaches n’a que peu d’importance, ce n’est pas le sujet. Le double sujet du film c’est le processus de recherche à l’œuvre dans la création et la transmission de cette recherche d’un père à son fils, de Michel Bras, un des plus grands chefs du monde, à son fils Sébastien.
Un pied dans l’Aubrac, un pied au Japon (tiens donc), on entre là dans l’atelier comme on entrerait dans la bottega d’un peintre vénitien, l’austérité en plus. C’est aride, c’est âpre et complexe, tout le processus créatif repose sur des sensations fugaces, des impressions, un souvenir, une croûte de lait, une texture, cette éternelle et merveilleuse recherche d’absolu qui traverse l’humanité et dont on parle désormais si peu, hélas. Un absolu qui s’incarne un court instant dans l’assiette, au bout de multiples essais qui combinent cuissons, textures, produits, tentatives...
Et tant pis si ni le père ni le fils ne parlent de la qualité des sols, ni d’aucune inquiétude agricole, tant pis, c’est dommage mais ce n’est pas le propos. Comme il est dit dans l’une des meilleures scènes coupées fort heureusement proposée en bonus dans le DVD : "L’assiette, c’est une écriture." Et cette écriture-là, à mesure que vous l’apprivoisez en cheminant avec le père et le fils, à mesure que vous ressentez sa beauté, elle vous traverse et vous élève. Ce qui incite par conséquent à choisir des produits de qualité.
Les bonus sont formidablement longs, ce qui augmente le plaisir d’autant. Une soirée à Turin, un entretien du jeune couple qui fait tourner le restaurant japonais, les critiques d’un ami qui n’a pas su déguster dans l’ordre... et un bel entretien aussi avec le réalisateur. Une réussite.
Aussi, ce DVD permettra peut-être à 5 d’entre vous de pouvoir faire une expérience directe de cet art avec une invitation au restaurant de Michel et Sébastien Bras.