Pour faire suite à ma façon au récent papier de Fabrice Nicolino sur la Chine, je recommande de se plonger dans ce polar hallucinant. Dernière aventure en Chine du journaliste fureteur Thomas Kessler, le personnage créé par Pascal Vatinel.
Préparez-vous, accrochez-vous, car voilà un des livres de fiction les plus solides du moment, à tel point que ce n’est presque plus de la fiction. Le ton est dur, fermé, lucide et pour cause, le sujet est brûlant.
L’enquête commence par du lait pour bébé contaminé sans scrupule à la mélamine et produit dans une usine chinoise. On continue avec le délire des bio-carburants et l’extension des OGM en Chine ("6e rang mondial en surface de cultures OGM" nous dit l’auteur). Un crochet par Genève et le périple s’achève dans l’île de Vetsgan où une forteresse financée par les milliardaires Phil & Selina Doris à l’usage des potentiels survivants de l’Apocalypse (à priori, eux) protège les semences vitales de l’humanité, forteresse étroitement gardée des curieux par des hommes armés.
Dans la réalité, ces scandales ont bien évidemment eu et ont lieu, le lobby des OGM est certes ralenti mais bien actif partout dans le monde et même si l’éditeur s’est protégé en rappelant clairement que ceci est une fiction, l’île de Vetsgan, par exemple, existe.
Situé en Norvège, l’endroit s’appelle The Vault et a été largement financé par la Fondation Bill & Melinda Gates qui vaccine à tour de bras en Afrique pour "réduire la croissance démographique"... (source Financial Sense and TED2010, traduction Liberterre) (1) .
Bref, la réalité dépasse si souvent la fiction dans cet Environnement mortel qu’on se prend à amener le suspens dans notre propre vie, non pas pour savoir comment Thomas Kessler va se sortir de sa prison... mais pour savoir comment nous allons nous en sortir ?
Visiblement très grand connaisseur de la culture chinoise, ce dernier livre de Pascal Vatinel, dont le Tigre de Baiming m’avait tenue en haleine l’été dernier, est très prenant parce que rigoureux et capable d’établir des liens directs et clairs entre des sujets que l’on pourrait croire fort éloignés. Ce roman mérite d’être lu, relu, prêté, offert en espérant que la fiction suscite le débat et réveille un maximum de gens à la réalité.
D’autant que finalement, dans toutes ces horreurs, ce n’est pas "la Chine" qui est en cause mais un système global ultra-corrompu reposant sur l’avidité d’une poignée d’hommes et de femmes.
Oui une poignée de puissants.
Et nous sommes des millions.
D’ailleurs une note de l’auteur précise que "Les conflits émeutes liées aux questions d’écologie connaissent une croissance exponentielle en Chine. En 2005, on a évalué le nombre de ces manifestations à près de 90 000. On en dénombrait moins de 9 000 dix ans plus tôt."
(1) Si vous voulez creuser un peu plus loin sur la générosité du couple Gates, une très bonne édition de l’émission Envoyé Spécial (28 min).