Fatigue de ces tests, articles, livres, vidéos et étiquettes sur le sujet. Vraiment.
Parce que je pense que l’hyper-sensibilité est une persistance de l’enfance en certains.es. Pas plus et pas de quoi en faire un plat.
La plupart des enfants sont au démarrage hyper-sensibles. Hyper-curiosité, émerveillement, dynamisme énorme, sens ultra-sollicités, créativités, recherches de solutions, enthousiasme, amour de l’apprentissage, empathie, etc. Tout est là.
Selon l’environnement ce terrain, disons, sera favorisé ou réprimé.
Si les parents sont sensibles-mais-pas-trop, ils vont plonger dans la recherche de compréhension de l’hyper-sensibilité, cette nouvelle catégorie psychologique (et son juteux marché).
A contrario, n’importe quel "hyper-sensible" deviendra "normal" et désensibilisé à énormément de choses tout simplement parce que rester sensible ne sera pas valorisé par les parents aimants certes mais lessivés et "bien" pensants. Car c’est bien évidemment merveilleux mais c’est aussi douloureux de ressentir fort fort. Et puis ça pose tellement de questions ! Alors, les enfants, comme leurs parents avant eux, s’adaptent.
Je dis qu’avant de considérer une éventuelle sensibilité excessive, il faut regarder de très près à quoi nous, parents, demandons à nos enfants de s’adapter hein.
Et donc, très vite, la normalité, l’obéissance, les conventions, sont apprises, acquises, pour maintenir toutes les formes d’ordre rencontrées durant la croissance, l’ordre émotionnel, familial, scolaire, etc.
Les émotions fortes sont du désordre. On peut les ressentir, un peu, mais pas trop sinon on ne vit pas hein.
Et on arrive très vite à des enfants considérés comme "normaux" par les normopathes, un grand groupe d’enfants donc dont le niveau de sensibilité serait acceptable, et les "autres", dont ces fameux "hyper-sensibles".
Pourquoi le restent-ils ? Pourquoi en dépit de toutes les injonctions à se conformer, persistent-ils à maintenir vivant en eux cet accès à une façon d’être fort fort au cœur de ressentis inouïs ?
Parce que tout en s’adaptant aux normes, leur instinct de survie s’est engouffré dans quelques failles et depuis là, depuis ces braises en eux, en elles, ils résistent. Et plus la vie (et très souvent une maladie) les travaille, plus ils grandissent en maintenant quelque part une sorte de réserve de vie bien à eux, sauvage et libre de tout conditionnement.
Selon le parcours, cette réserve se révélera être un vrai trésor, nourricier et fertile, ou une croix source de culpabilité d’une différence mal comprise.
Ces personnes n’ont rien de spécial, rien du tout. Elles ont simplement pris une autre route. Et c’est très important de les libérer de leurs étiquettes de personnes "spéciales" afin qu’elles puissent se concentrer sur leur vie, au lieu de se torturer à comprendre pourquoi elles sont spéciales, quand elles le sont devenues, si elles doivent ou devraient s’adapter, et si oui à quoi, etc. Ils et elles sont complètement adapté.es à la vie, au vivant, à la société même, pas besoin d’en faire tout un plat.
Je résiste à ces étiquettes qui en viennent à définir un groupe "à part". Ce groupe n’est pas "à part", il est, avec d’autres, au cœur d’une évolution vivante et c’est pas pareil. Il est une branche parallèle d’évolution humaine sociale toute aussi reliée au reste que tous les autres groupes humains.
Je pense ainsi que l’enfance est viscéralement profonde, libre, artistique, philosophique, créative, éthique, écologique.
La simplicité, la profondeur, la justesse des positionnements des enfants face à toutes les questions fortes sont saisissantes.
Je ne dis pas que les enfants ont raison dans leurs analyses. Je dis qu’ils se placent en amont des analyses et qu’ils ressentent les problématiques ainsi que les solutions avec une justesse écologique directe et désarmante. Qui désarme les raisons qu’on se donne et les faux-semblants, justement.
Ces enfants "différents" donc se conformeront, ou pas. La plupart se conforment parce que c’est ça ou le rejet mais gardent tout de même comme j’ai dis des petites poches de résilience qui plus tard font le lit de "l’hyper-sensibilité" et leur génèrent un mal-être colossal.
Et arrive l’adolescence, soit ce grand bouleversement physique, certes, mais aussi le moment où ils ont compris comment fonctionne la société et ce qui les attend. Le moment de dire "non" donc.
Si l’enfant est habité par un désir de paix et que le conflit ne l’attire pas, l’adolescence sera tranquille (on dira plus tard qu’il s’est "sur-adapté" tant notre société malade n’envisage pas que l’on puisse avancer sans goût pour le drame ni le conflit).
Si au contraire, la dynamique des conflits vus en famille ou à l’école dans les années précédentes a été correctement absorbée, alors ça pète.
Soudain, le jeune "a un problème". Et aux yeux des normopathes, ce "non", son refus total d’avancer comme ça dans un monde de merde, se retrouve étiqueté sous le nom de "rébellion", "bah ça va passer", etc. Il faut donc régler le "problème" en adaptant le jeune aux règles du jeu et quoi de mieux qu’une thérapie afin que la dernière tentative de rester fidèle à soi-même avant engloutissement ne se dissolve dans l’acide de la soumission à la norme. Viens, on va t’aider à être comme nous et à trouver tout ça normal et supportable, ça va aller tu verras.
Restez un certain temps avec un adolescent dans une communication authentique et regardez ce qui se passe.
Lisez les travaux de Marylène Patou-Mathis sur la croyance que nous serions des êtres liés au conflit. (1)
La "crise d’adolescence" est une fiction, ça n’existe pas. Il n’y a que des jeunes pleins de questions et de peurs qui cherchent des réponses comme ils.elles peuvent.
Tout ceci n’est qu’une réaction de rejet développée par des jeunes personnes encore saines face à des hordes d’adultes plus ou moins malades et consentants qui n’ont à offrir à leur recherche de vérité que des stratégies d’oubli de soi par 1. la thérapie, 2. le rejet, 3. l’indifférence - ce qui conduira souvent à chercher du réconfort dans toutes sortes des dérives qui feront plus tard un matériau fertile pour une analyse, si on tient jusque là.
Attention, je n’ai rien contre une analyse bien menée, c’est-à-dire visant à se révéler. Je n’ai rien non plus contre les parents, j’en suis. Mais si nous sommes appelés à reconstruire ce monde qui galope à sa fin, il faut se réveiller encore et encore et encore, et dans tous les domaines. C’est comme ça.
Alors ainsi, d’après ce que j’ai vécu, au mieux, ces jeunes deviennent des "idéalistes écologistes complexes" (différents mais engagés pour une cause utile à la société), des "chevaliers défenseurs des droits", des "artistes inépuisables" (pas vraiment "en prise" avec la réalité mais approuvés par la société), des "zèbres agités" (so sympathiques mais so différents), des "créatifs culturels" (première appellation des hyper-sensibles), des "anarchistes mordants" (différents mais engagés pour une cause inutile à la société), etc.
Restez dans l’authenticité avec un humain de ce type, abandonnez vos lunettes normalisantes et observez comment les conditionnements travaillent.
Vous n’êtes pas avec un "grand enfant", ni avec "quelqu’un qui a un problème de communication", ou qui "est trop". Vous êtes avec quelqu’un qui vous dérange parce qu’il.elle déborde du cadre, s’en fout du cadre, n’y accorde qu’une importance mineure, quelqu’un qui reste branché sur son incompréhension et son refus du monde tel qu’il est et tel que vous l’avez accepté, quelqu’un qui vous agace, vous inspire, vous fascine ou vous challenge et qui suit son chemin sans avoir besoin de votre validation, vous qui avez passé votre vie à chercher la validation et c’est bien humain, y a pas de problème avec ça.
Dès qu’on enlève la mono-culture mentale et son entreprise de normalisation, on découvre la liberté d’être soi, envers et avec tous.
Ces humains là, ne sont pas plus "différents" que les autres. Ils n’ont rien de "spécial". Ni mission particulière, ni talent particulier. Leurs outils sont différents, c’est tout, et ils sont aussi solides, responsables, engagés que les autres.
Alors si je dis qu’il y a les hyper sensibles, les normopathes, les zèbres, etc., je me retrouve avec une étagère pleine de des bocaux étiquetés assortis de "problèmes" à résoudre, de tensions et de "solutions" à trouver à des "problèmes de communication" sans fin. Or, dans la mesure où elles n’agressent personnes, nos différences ne sont pas le problème. Elles ne l’ont jamais été.
Mais si je dis que nos nuances se complètent, ou pas, je suis dans une approche douce et respectueuse des complémentarités, je me détends et je peux avancer dans le respect de moi-même et des autres, au sein d’une humanité de cousins reflétant une palette de nuances tellement incroyables !
C’est du boulot, je suis d’accord mais c’est mon approche de l’écologie relationnelle.
Bisous. Bye.
Image (c) Oummimaterne