L’indifférence à la vérité est un mal qui s’ajoute à une liste déjà longue.
Personne n’a cru les survivants des camps nazi ni communistes.
Personne n’a cru les femmes et les enfants victimes de violences à la maison.
Personne n’a cru les écologistes et les scientifiques alertant depuis 1972 (50 ANS) sur le réchauffement du climat dû aux suractivités humaines.
Personne ne croit que nos richesses et nos conforts reposent sur l’exploitation largement inique de tant d’autres vies que les nôtres.
Quatre moments de la croyance en relation avec des vérités extrêmement difficiles à entendre.
Je dis personne mais ce n’est pas tout à fait exact.
Certains et certaines, pour des raisons non identifiées, écoutent, entendent, parviennent même à vivre et orienter leurs actions en fonction de ces vérités lucides, que ce soit pour changer des lois, soutenir des victimes, protéger le vivant, accompagner des témoins ou simplement vivre dignement.
Il faut accepter le parallèle d’un effondrement de notre conscience en lien avec la société du spectacle mise en place avec la télévision dans tous les foyers du monde, c’est-à-dire une entreprise de distraction généralisée qui nourrit l’impuissance autant que la soumission.
Distraire. Du latin : "dis", séparé, et "trahere", tirer. Détourner. Le philosophe Pascal en parlait très bien.
Il n’y a pas de complot.
Il y a une réalité largement toxique pour la construction de laquelle on ne nous a pas demandé notre avis, mais vis-à-vis de la laquelle nous pouvons continuer à nous entraîner à l’indifférence apprise depuis 1 ou 2 générations.
Et c’est vrai que c’est plus chouette de zoner sur le canapé en matant des m*rdes que de se bouger avec d’autres en rentrant du boulot. On ne va pas se mentir, c’est tout à fait vrai.
La bonne surprise c’est qu’on peut parfois zoner et parfois se bouger, le tout étant de tenir la distance parce que oui, pour remettre l’humanité debout, ça risque d’être long mais ça vaut vraiment le coup parce que non, tout n’est pas complètement foutu, et oui, beaucoup d’entre nous sont des gens bien, pas exceptionnels, juste des gens bien.
On dit souvent qu’il faut "le voir pour le croire". Ce n’est plus vrai. On peut aujourd’hui "voir" n’importe quoi et ce serait complètement faux, avec un deepfake par exemple. On regarde d’ailleurs n’importe quoi, junk watch : des souvenirs de vacances d’inconnus, des avis dont on se fout complètement, des trucs, des bidules de la vie des autres, des kilomètres de mauvais films et de jeux débiles accessibles partout en flot continu.
Alors pour y croire encore, à la force de la démocratie ou à celle de la bienveillance, par exemple, il va falloir choisir ce qu’on veut voir. Il faut renforcer le muscle du choix tant que le choix est encore possible.
Et c’est à cet endroit qu’un peu de forces sont nécessaires sur le canapé.
Merci Clément Viktorovitch pour tout le travail d’analyse (ici, par exemple, cette émission, à partir de min 27:50, de la langue de bois à la post-vérité).
Et merci Marie Robert aussi qui fait tant pour nous maintenir réveillé.es.
Voir aussi le travail passionant d’Asma Mahlla, son livre "Technopolitique", et une intervention récente (ici).
Une autre ressource, le podcast Sismique sur l’ère du bullshit (ici).