"Cette attitude provient d’un tragique malentendu à propos du temps : je veux parler de cette notion assez étrange et irrationnelle selon laquelle le temps qui passe guérit à coup sûr tous les maux. En réalité le temps est neutre : il peut détruire ou construire selon l’usage qu’on en fait. Et je suis de plus en plus enclin à croire que les hommes qui veulent le mal l’ont beaucoup mieux utilisé, et plus efficacement, que les gens de bonne volonté. Notre génération n’aura pas seulement à répondre des mots et des actes haineux des méchants ; il lui faudra aussi répondre du silence consternant des gens de bien. Le progrès humain ne coule pas de source. Il se forge au prix d’efforts inlassables de ceux qui se veulent les artisans de Dieu, et sans leur dur labeur, le temps lui-même se fait l’allié des forces de l’inertie sociale. Nous devons utiliser le temps de façon créatrice en sachant que le moment est toujours venu de bien faire."
in La révolution non-violente, Payot, p. 120.