En 2004, les ménages de 26 départements sur 96 disposent d’un niveau de vie inférieur à 15766 euros/an (source « Insee Première », n° 1162, oct. 2007).
On peut lire dans cette étude que le niveau plancher de pauvreté est à peu près égal dans toutes les régions de France et que l’écart se creuse en revanche de manière impressionnante en montant vers les plafonds de richesse. Ainsi, à Paris, « le niveau de vie des plus riches est 5 fois supérieur à celui des plus modestes ».
Pourquoi ?
Les départements les plus touchés sont la Corse, le Languedoc-Roussillon, le Nord-Pas-de-Calais, la Seine-Saint-Denis, les Bouches-du-Rhône.
Nord et Sud.
Pourquoi ?
Un livre de William T. Vollmann : Pourquoi êtes-vous pauvres ?
C’est un livre de photographies et de témoignages. L’auteur, navré, gêné, compatissant (et c’est une immense qualité), en colère et tout ce qu’on veut, n’en pouvait plus de voir, impuissant, les sans-noms (pour ne plus dire les SDF) trouver refuge en bas de chez lui, s’en est allé autour du monde poser « la » question aux pauvres.
Oui, pourquoi ?
Dès la couverture, nous y sommes : esthétique – je n’aime aucune esthétique tournant autour de la pauvreté ni aucune autre sorte de mise en scène sur ces « sujets ». Je me méfie de ces photos qui « rendent » beau - et donc plus acceptable ce qui ne doit jamais l’être. Parce que personne ne tient 5 heures en présence d’un gars qui pue la pisse.
Mais on peut lire le livre, ça devient « acceptable » par la magie du papier.
Et je n’aime pas cette sorte de magie.
Dans tous les commentaires et critiques, cette esthétique est là (dès la couverture, le noir & blanc, la main, l’œil, le titre rouge, comme c’est fort). Esthétique moderne de nos yeux qui ne voient plus l’humain mais s’enchantent du spectacle des humains, de leur mise en scène télévisée, littéraire ou cinématographique (merci Guy Debord évidemment).
C’est parti, cette fois on regarde (roulement de tambour)... les pauvres.
Alors ils ont des noms dites ? Des vraies vies ? Au fond ils sont comme nous alors ces pauvres ? Pour eux aussi il y a des jours avec et des jours sans ?
Il y en a des bons ? des cons ? des gentils ? des victimes ? des escrocs ?
Et c’est un gars riche et qui l’assume mal, payé de surcroît pour se faire un tour du monde qui nous le dit ?
Mais quelle audaaaaaaaaaace !!!
Et on va leur demander à eux, les pauvres, pourquoi ils le sont ?
Oh oui ! Demandons-leur ! Et puis comme ça on va enfin savoir !
Bien.
Alors oui pourquoi ?
Ben, on ne sait pas, il y a plein de raisons...
Mais ça je le savais déjà non ?
Le livre permet à mon sens surtout de dire à ceux qui ne bougent pas et ne sentent plus l’odeur de la merde : voilà, c’est comme ça que ça se passe en vrai chez les pauvres.
Je suis là sur mon divan à l’abri au chaud - délicieux frisson, je feuillette le désespoir et c’est insupportable.
Mais heureusement ça ne va pas m’arriver... hein chéri ?!
En le lisant (mais il m’est vite tombé des mains), j’entendais tourner dans ma tête tout ce que j’ai pu entendre sur le sujet. Oui, le livre est émouvant bien sûr, il fait réfléchir (si peu) mais ça ne (me) suffit pas.
Je suis lasse des explications de la pauvreté et surtout des portraits de tous ces gens en souffrance, ces portraits qui prétendent donner un visage... Les pauvres ont des visages, nous n’avons pas besoin de leur en donner ! Regardons-les en vrai dans la vraie vie et leurs visages sont là nom de nom !
Voilà des années que l’on donne des visages aux malades, aux fous, aux étrangers, aux anciens... et alors ?
Est-ce que notre démocratie et ses représentants voient mieux les malades, les fous, les étrangers, les retraités ?
Est-ce que ce livre change quelque chose pour les pauvres ?
A part la prise de responsabilité individuelle qu’est-ce que cela change pour eux que des riches aient lu le livre ?
Que ce gars ait fait le livre ?
Pour lui, pour toi, pour moi, ça peut (peut-être) un peu changer des choses dans notre relation subtile et complexe à notre confort mais pour eux ?
Est-ce que les gars devenus indifférents à la misère, après avoir lu le livre, se sont humanisés ?
Il faudrait faire une enquête, pour voir.
L’auteur devrait faire cette enquête, pour qu’on puisse voir.
Alors oui, le livre est touchant mais ne propose rien.
Des explications mais pas de solutions, pas de pistes, rien.
Ceci pour moi n’est pas acceptable.
Et c’est une imposture.
J’aimerais savoir si W. T. Vollmann a créé une fondation, s’il a mis sa Création, son Audace, son Courage au service direct de ce qu’il dénonce.
Il a déménagé ou il a partagé son appartement ? Il a donné toutes ses fringues inutiles et tous les gadgets de la maison ? Est-ce qu’il fait du bien en le disant, non pour s’en vanter mais pour en encourager d’autres à se lancer dans le don ?
Si quelqu’un peut me renseigner sur ce point je révise immédiatement ma position - et avec joie encore !
Sinon, ce gars reste un artiste égocentrique dont la production ne m’intéresse pas.
Cet hiver, chez le même éditeur, j’ai lu un pavé qui m’a laissée sans voix et qui me donne des réponses et du courage pour me battre. Pas de l’émotion, pas de l’esthétique ou des questions si vastes et/ou floues que 4 vies ne suffiraient pas, mais des outils d’action.
La stratégie du choc de Naomi Klein.
Elle répond à la question "Pourquoi sont-ils encore pauvres et pourquoi sommes-nous en train de le devenir ?"
Eva Cantavenera
Février 2009
PDF de l’enquête de l’INSEE