Plan Solaire Méditerranéen et Desertec
Dans le cadre de l’Union Pour la Méditerranée (UpM), le Plan Solaire Méditerranéen (PSM) a été lancé l’hiver dernier. Il implique les pays de l’UE et du pourtour méditerranéen pour produire de l’électricité solaire essentiellement à destination de l’Europe. Réunie au mois de juin dernier, l’UPM n’a pas précisé si le calendrier de réalisation du PSM pour 2020 est réellement suivi. Il se peut que les politiques, malmenés par la crise, mettent en veille ce Plan Solaire le temps de voir ce que donnera le projet Desertec, un méga-réseau de production d’électricité dans des centrales solaires high-tech basées dans le Sahara, qui a, lui, été officiellement lancé mi-juillet avec un budget de 400 milliards d’euros financés par des entreprises (1).
En raison de l’ensoleillement, les centrales solaires seront deux fois plus efficaces en Afrique du Nord qu’en Europe du Sud. De plus, avec les nouvelles méthodes de lignes électriques la déperdition d’électricité pendant le transport n’est que de 5% par 1000 km. C’est donc du solaire à grande échelle qui s’annonce et c’est plutôt une bonne nouvelle écologique. Si l’on ajoute à cela les créations d’emplois promises, les bénéfices énergétiques à longs termes de ces deux plans semblent indiscutables sauf... qu’ils « oublient » l’essentiel de la population des pays où vont se construire ces centrales solaires !
Les foyers mal équipés en électricité - soit une partie importante des foyers d’Afrique du Nord et sub-saharienne -, n’apparaissent nulle part ! Déjà fragilisées par les difficultés que l’on sait, si ces populations se trouvent (encore) exclues de ces projets, sans en retirer (encore) aucun bénéfice direct alors que le soleil est une source d’énergie universelle, abondante et gratuite, les responsables de ces projets s’exposent à de fortes instabilités et à des crispations identitaires qui risquent de compromettre leur efficacité.
Intégrer les populations
Il faut donc à tout prix et d’urgence éviter la mise à l’écart des populations pauvres dans l’accès généralisé à l’énergie solaire – accès qui ne dépend pas de l’industrie. Dans l’intérêt réel de tous, au Sud comme au Nord, une série d’actions de large diffusion de ce qu’on appelle la « Micro Concentration Solar Power » (ou Micro CSP) semble indispensable. En comprenant les enjeux de la MicroCSP, il nous semble possible de rendre les plus démunis bien visibles aux maîtres d’oeuvres.
La MicroCSP désigne la concentration solaire locale à petite échelle destinée aux usages directs (cuiseurs et fours solaires). De nombreux concentrateurs solaires d’une puissance de 1 à 3 KW existent déjà dans la zone méditerranéenne. Leur diffusion reste encore très réduite car toujours organisée par des micro-projets associatifs dont l’efficacité est freinée par des blocages techniques, culturels et économiques.
Pour qu’une sensibilisation massive au solaire puisse se faire, il faudrait dans un monde idéal qu’une partie du budget de ces méga-plans soit affectée à la création de Centres d’Energie Solaire portés par le monde associatif méditerranéen.
Créer des Centres d’Energie Solaire
Ces centres, présents dans tous les pays riches en soleil, pourraient rassembler toutes les technologies solaires déjà implantées. Il est à noter que la plupart des concentrateurs et cuiseurs solaires sont dans le domaine public, leur construction est souvent simple, leurs usages divers et ils n’ont encore jamais été comparés ni étudiés sérieusement sur le long terme. En procédant à leurs études dans ces centres, une base de données pourra donc être créée pour répondre aux questions essentielles des usagers : quels cuiseurs pour quels besoins ? quelles performances ? quelles contraintes ? comment optimiser ? quel temps de montage ? quel coût ? etc.
Fonctionnant comme des « vitrines du solaire », ces centres permettraient une diffusion des techniques solaires locales les plus appropriées aux besoins réels, notamment pour les plus démunis qui pourront voir, choisir, acheter ou construire le type de four solaire qui leur convient pour cuire un repas ou créer une boulangerie, réduisant ainsi l’usage du bois et/ou la charge sur un réseau électrique fluctuant. En parallèle, des techniciens y seraient formés pour assurer l’implantation des techniques, la formation des usagers et l’entretien des cuiseurs mis en place dans les villes et les campagnes, ce qui créera donc des emplois vraiment durables. De plus, les centres communiqueraient sur leurs travaux et ces connaissances sur le solaire se diffuseront localement dans l’industrie et la société plus aisée, créant ainsi un contexte global favorable à la mise en place d’une industrie électrique solaire plus lourde.
Avec la création de ces Centres d’Energie Solaire, il serait donc possible de sensibiliser plus efficacement les populations, de vaincre les blocages culturels dus à de nombreuses expériences en cuisine solaire jusqu’alors peu ou mal suivies (fautes d’études préalables et de moyens), et surtout de donner le choix et l’autonomie énergétique aux principaux intéressés. Souhaitons qu’une union d’associations solaires méditerranéennes se forme pour en concrétiser l’idée.
(c) Eerik Wissenz et Eva Cantavenera
Août 2009
Ce texte est une mise à jour de l’article paru l’hiver dernier.
Historique du projet Union pour la Méditerranée sur le blog d’O. Danielo.
(1) Dont « les groupes énergétiques allemands E.ON et RWE, le réassureur Munich Re, la Deutsche Bank, le groupe algérien Cevital ou le fabricant espagnol de centrales solaires Abengoa Solar. », cit. Holger Liebs du Süddeutsche Zeitung in Courrier International du 06/08/09).