Coup sur coup j’ai lu deux romans modernes, contemporains même.
Mon premier est l’histoire d’un jeune père par inadvertance au fond d’une serre - sanctuaire joyeux de la créativité de sa mère. Saisi par la paternité nouvelle et le décès brutal de sa génitrice, le héros sillonne et roule jusqu’à un pays moins volcanique que le sien, plus riant et accueillant, une Italie jamais nommée où, à l’ombre d’un monastère, il remet sur pied une roseraie séculaire tandis que le fruit de sa semence ne tarde pas à le rattraper. Tout contre la fraîcheur d’un bébé de quelques mois qui ressemble au petit Jésus, qu’il ne faut jamais nourrir ni changer (dans le livre) et qui ramène la vie, se tisse le motif à huit pétales de Rosa Candida.
Un joli bijou, un bonbon.
Antoine, lui, n’est pas dans l’amour, pas du tout même. Il cherche sa place sans relâche, dans sa famille, dans la société, en amour et finit par la trouver, peut-être, au bout du monde dans les bras d’une talentueuse couturière qui fait des robes merveilleuses, presque aussi belles que la robe couleur du temps de Peau d’Ane qui me faisait (et me fait encore) tellement envie. Antoine traverse la crise sociale avec son cœur qui n’ose plus aimer et tente de trouver sa réponse à la morsure néo-libérale lorsqu’il décide de ne plus supporter, de ne plus accepter.
Dans ces deux livres le corps est là. Ce sont des femmes qui écrivent des corps d’hommes, qui frémissent, qui palpitent. Des corps auxquels on peut se fier pour avancer dans la vie, des véhicules de sensations simples et vraies.
Et puis il y a dans ces deux livres quelque chose de la bonté, de la fraternité, de l’allant, ces versants de l’humanité qui ont tellement disparu de la littérature contemporaine où le cynisme est roi...
Grande joie : l’art est rendu à lui-même, à son rôle d’élévateur et après "la mort de l’art" accommodée à toutes les sauces, ces romans pourraient être un signe modeste de sa résurrection. C’est l’art du jardinier, celui d’un retable dont la vision apaise l’enfant et celui des maîtres verriers de la petite l’église, c’est l’art de cette femme, celui des costumes et des tissus qui donnent à Antoine un avant-goût de merveilleux. Et ça fait un bien !
Rosa Candida, Audur Ava Olafsdottir, éd. Zulma, 2011.
Les insurrections singulières, Jeanne Benameur, éd. Actes Sud, 2011.