A la faveur de recherches que je suis en train de faire pour un livre en cours d’écriture, un livre qui va parler de la Grèce et... de la Finlande, si, si, est arrivé Le colosse de Maroussi d’Henry Miller. Et du coup me voilà bien embêtée - comment écrire la moindre ligne sur la Grèce après ça ?
Peu importe - voici un texte iconoclaste et qui fait du bien...
"Des heures d’affilée, je restais étendu au soleil, à ne rien faire, à ne penser à rien. Garder l’esprit vide, c’est un exploit, et un exploit bon pour la santé. Ne pas dire un mot de toute une journée, ne pas voir de journal, ne pas entendre de radio, ne pas écouter de commérages, s’abandonner absolument, complètement à la paresse, être absolument, complètement indifférent au destin du monde, c’est la plus belle médecine qu’on puisse absorber. Goutte à goutte, on dégorge sa culture livresque ; les problèmes fondent et se dissolvent ; les liens se tranchent doucement ; la pensée, quand on daigne s’y adonner, devient très primitive ; le corps se change en instrument nouveau, merveilleux ; on regarde les plantes, les pierres, les poissons, avec des yeux différents ; on se demande à quoi bon tant de bagarres et de luttes frénétiques ; on sait qu’il y a une guerre en cours, mais la raison, ce qui fait que les gens prennent un tel plaisir à s’entretuer - on n’en a pas la moindre idée ; on regarde un endroit comme l’Albanie - je l’avais constamment sous les yeux - et on se dit : Hier, c’était grec, aujourd’hui c’est italien ; demain ce sera peut-être allemand ou japonais ; et on le laisse être ce qui lui plaît. Quand on est en règle avec soi-même, peu importe le drapeau qui flotte sur votre tête, ou à qui appartient telle ou telle chose, ou que l’on parle anglais ou monongahéla. Il n’y a pas plus grande, plus extraordinaire bénédiction que l’absence de journaux, l’absence de nouvelles de ce que font les hommes aux quatre coins du monde, pour rendre la vie plus vivable ou invivable. Si seulement on pouvait éliminer la presse - quel grand pas en avant, j’en suis sûr ! La presse engendre le mensonge, la haine, la cupidité, l’envie, la suspicion, la peur, la malice. Qu’avons-nous à faire de la vérité, telle que nous la serve les quotidiens ?"