Voilà ce que je voulais dire à propos du roman Environnement mortel en parlant de la façon dont une fiction contemporaine peut et doit inciter à l’action.
Il s’agit cette fois d’un film. Le réalisateur ne part pas d’une fiction mais la trame ferait le sujet d’une excellente et haletante super-production. Le réalisateur nous place ici dans un reportage de deux heures sur deux aspects terrifiants de notre modernité : les OGM et le nucléaire. Et là, à priori, soit vous êtes déjà un peu informé-es et vous vous dites "encore ?!", soit vous n’y connaissez pas grand-chose et vous vous dites "ah oui...".
Sauf que si vous passez à côté de ce film, vous passez à côté d’une des plus grandes claques bénéfiques de votre vie ! Parce que la force inouïe de ce documentaire c’est qu’avec un sujet pareil, au lieu de vous angoisser et de vous pétrifier dans l’horreur ou l’impuissance, vous en sortez électrisé-e, déterminé-e, encouragé-e, boosté-e pour dire : "Moi ? Cobaye ? Jamais !"
Vous le savez, vous ne le savez pas les ami-es mais c’est la guerre. "Les OGM sont la première technologie de l’histoire de l’humanité qui permet de changer la totalité du monde et qui donne à ceux qui la possède le pouvoir sur tout le reste du monde." Pas moins.
C’est une des premières phrases du film Tous cobayes ?, elle est de Corinne Lepage, une des personnalités politiques françaises réellement active pour la défense du vivant. Je m’en fiche de son bord, ce que je vois c’est qu’elle est là sur le terrain des OGM. Batailleuse comme Michèle Rivasi à Fukushima, Jean Ziegler contre les agro-carburants à Genève, José Bové avec les Faucheurs, Olivier de Schutter qui valorisa l’agro-écologie à l’ONU. De vrais politiques.
Et donc, le ton est donné.
Les acteurs principaux sont "une minorité cannibale" (dixit J. Ziegler) formée d’un consortium d’entreprises dont les guerres du XXe siècle assurèrent les fortunes. Parmi ces nouvelles super-puissances qui ne servent qu’elles-mêmes : Monsanto produisit on le sait l’agent orange et IG Farben - dont Bayer est le prolongement - le zyklon B.
En face : les proies - ou les cobayes, comme vous voudrez. Vous, moi, nous. Certain-es qui disent déjà "non" et dont les choix alternatifs, autrefois tellement moqués, sont de plus en plus visibles par des émissions, sites, documentaires, journaux, etc.
Et d’autres qui ne disent rien. Soit parce que, trop démunis, ils n’ont pas accès à l’information. Soit parce qu’ils sont indifférents.
Peut-on être indifférent-es aux possibles conséquences des OGM sur la santé humaine quand on voit que des rats nourris aux OGM développent sur plus d’un an d’étude des tumeurs qui font le quart de leur poids ?
Peut-on rester serein-es quand on sait que les études présentées par les sociétés produisant les OGM portent sur 3 mois seulement pour proclamer l’innocuité des produits ? Et que ces études sont acceptées par tous les gouvernements qui n’interdisent pas formellement toute culture OGM ?
Peut-on rester neutres quand on voit la réalité les conséquences des accidents nucléaires de Tchernobyl et de Fukushima ?
Les OGM comme le nucléaire font parties de ces dangers diffus, difficilement palpables, dont les conséquences terribles sont lentes. Ils font partie de notre invisible moderne et les rendre concrètement visibles est un service rendu à l’humanité. Et c’est ce que fait ce film : il donne corps.
Tous cobayes ? suit le fil de la recherche menée sur les OGM par le Prof. Gilles-Eric Seralini avec le soutien d’associations déterminées à financer le boulot que l’État ne fait pas : chercher.
En effet, avec les OGM, comme avec le nucléaire, "il n’y a pas de problème puisqu’il n’y a pas d’étude" ! Mais que dire de ces hommes et ces femmes, paysans, dockers, habitants, exposé-es à de si fortes de doses des poisons OGM et nucléaires, qui en meurent et commencent enfin à oser briser l’omerta, à parler ?
Tous cobayes ? est un témoignage et beaucoup plus que cela : c’est le récit d’une prise de pouvoir possible (ce que les Américains appellent empowerment) où l’on voit qu’on peut agir par nous-mêmes et ne pas attendre que des pouvoirs corrompus décident pour nous. Une énergie phénoménale circule dans le film du début à la fin : pas un seul tour de passe-passe émotionnel, non. Ce que l’on voit et entend c’est la vraie énergie de la vie qui vous fait du bien et vous dit qu’on peut changer la donne, comme cette ouverture sur l’agro-écologie et ces arbres qui poussent, et oui, dans le désert.
Tous cobayes ? Oui.
Si vous ne faites pas de différence entre les rats de laboratoires (et pour une fois, l’expérimentation animale sert à quelque chose) et nous : de plus puissants que nous nous fournissent notre pain quotidien et notre énergie au mépris complet de nos existences et de notre future, et nous laissons faire.
Tous cobayes ? Non.
Si vous faites une différence colossale entre les rats et nous : nous pouvons sortir de notre boîte, parler, chercher et trouver des solutions, refuser du matin au soir et du soir au matin d’enrichir ces mercenaires. Car "en démocratie, il n’y a pas d’impuissance" (J. Ziegler). Et nous sommes des millions.