“In the beginning there were the swamp, the hoe - and Jussi.”
C’est le début de la trilogie de Väinö Linna, "Täällä Pohjantähden alla" ("Ici, sous l’étoile polaire", 1959-1962).
L’histoire de ces trois volumes, c’est l’histoire de la Finlande jusqu’à l’après-guerre. Comment Jussi avec sa houe et ses deux bras a tenté d’assécher le marais, de sortir sa famille du servage avec les bourgeois suédois, comment sa famille a perduré et traversé l’Indépendance du pays par rapport à la Russie puis la guerre civile, et enfin comment la Finlande a échappé à la dictature pour créer un état social fort.
Si je faisais un top 10 des écrivains qui ont illuminé ma vie, Väinö Linna (portrait) y serait. Domestique, ouvrier, puis soldat, il a décrit comme personne la société finlandaise souffrant de s’émanciper.
L’humanité très réaliste de cet auteur qui décrit cette famille de 1880 à 1950 m’accompagne depuis 14 ans que je vis ici.
Il faut s’avoir qu’après l’indépendance du pays (1917), une guerre civile s’installe et déchire le pays entre les « Rouges » (socio-démocrates) et les « Blancs » (conservateurs). Les premiers, majoritairement des ouvriers et des fermiers, sont vaincus. Ceux qui n’ont pas été exterminés, qui ont survécu à leur emprisonnement, ont été privés de droits civiques et mis au ban de la société assez longtemps. C’est une cicatrice encore bien visible dans le pays. Un peu comme la guerre d’Algérie en France. Ou les affrontements du "compromesso storico" en Italie. Toutes ces idées de justice sociale, et ce courage.
La traduction de Jean-Jacques Fol publiée par Les Bons Caractères est superbe. J’ai ressenti le même bonheur qu’en lisant jadis celle que M.-E. Coindreau a donné de Faulkner. Un must.
Même si ma vie ici a été complexe, j’ai toujours admiré ce que les Finlandais ont réussi à créer en tant qu’état. Et même s’ils sont en train de démanteler leur spécificité, cela reste impressionnant en Europe. Cette lecture bienfaisante m’aura vraiment aidée à comprendre ce pays sans le juger.
Bref, je vous le recommande.