Je rêve d’une série sur les dynamiques de résistance à tout ce qui réduit les libertés.
Ainsi, les lutteurs sont fatigués.
Les actifs, les activistes, les engagés, tous, nous sommes fatigués.
Mais à un point...
Oui, la nature nous inspire et reste belle, chaque visage est un paysage, les enfants sont de joie, la vie qui bat partout, parfois une échappée, un zig-zag émouvant, mais bon, l’été, l’année a été du genre KO debout.
Je me demande comment ce monde - je veux dire ce modèle dominant passablement affolant - va changer en mieux, en plus juste au moins.
Et s’il le peut vraiment ?
Pas théoriquement, non, vraiment.
Soudain, un sabot.
C’est pas grand chose un sabot, n’est-ce pas ?
Un bout de bois bien taillé pour protéger le pied et basta. Ni chaud, ni froid.
Et pourtant.
Il y a deux siècles (2 x 100 ans = 4 vies d’hommes de 50 ans, avant-hier quoi), après des années de mises en place, le pivot social européen se fait. La décision est prise d’accélérer et d’augmenter à tout crin. Charbon, pétrole, trains, téléphones. On y va tout droit pour mécaniser et industrialiser sans que ce ne soit jamais une décision démocratique. On ne te demande pas ton avis, ça arrive, c’est tout.
Par conséquent, dans pas mal d’endroits, ça coince parce que cette avancée représente la fin de centaines de savoirs faire balayés, une conception du monde pulvérisée comme lors de l’invention des armes à feu (j’y reviendrai).
En 2011, pardon en 1811, les tondeurs et les tricotiers sur métiers à tisser (possédant ou pas leurs métiers) décidèrent de résister au progrès = dégradation de leurs conditions de travail. Mince. Ces Anglais en ont tellement marre de bosser 18 heures par jour. Ils commencent à détruire leurs métiers à tisser. Pas trop d’abord. Ils font ça bien, essaient de faire passer une loi, qui échoue, mais en face une loi passe mettant à mort quiconque briserait un métier. On les pend. Pour briser leurs métiers, ils utilisent probablement ce qu’ils ont sous la main, outils, bûches, sabots.
En 1897 (3 x 40 ans = pas même 3 vies d’homme), au Congrès Confédéral de Toulouse, les syndicalistes adoptent le sabot comme symbole de lutte contre le même opposant. Un bout de bois inerte devient un verbe puissant.
Tandis que le soleil se lève encore depuis toujours (et là ça fait beaucoup de vies d’humains), je pense à Pascal Jusot, un des derniers fabricants de sabots des Pyrénées. Son atelier-boutique qui sent tellement bon. Ces belles formes rondes et le clac clac clac de mes sabots pour aller dans mon ancien potager du Limousin. Je me dis que finalement, y a du boulot certes, mais on sait comment faire pour changer les choses, on est beaucoup de sabots à orienter nos métiers différemment, et ça, ça donne de l’énergie, non ?
(c) Pascal Jusot